Musique

Chronique d’albUm : Straights songs of sorrow par Mark Lanegan

Au mois de novembre dernier je vous chroniquais Somebody’s knocking, le dixième album de Mark Lanegan. Nous voici au mois de mai et l’insatiable chanteur nous propose déjà sa nouvelle cuvée.

L’homme à l’incroyable parcours, survivant du grunge (ami de Kurt Cobain avec lequel il a joué dans le groupe The Jury en 1989) et de ses excès, enchaine les disques et autres collaborations avec frénésie : sept albums en dix ans dont quatre depuis 2017. Le conteur à la voix gutturale compose à tombeau ouvert, comme si sa vie en dépendait. Et de sa vie il en est justement question sur Straight songs of sorrow. Après avoir couché sur papier ses mémoires dans sa biographie Sing backwards and weep, sa musique a pris le même chemin : à travers les quinze chansons de ce nouvel album, Mark Lanegan évoque les personnes et les évènements marquants de sa cavalcade entamée en 1964.

"En écrivant le livre, je n’ai pas eu de catharsis. Tout ce que j’ai obtenu, c’est une boîte de Pandore pleine de douleur et de misère. Je suis entré et je me suis souvenu de merdes que j’avais mises de côté il y a 20 ans. Mais j’ai commencé à écrire ces chansons à la minute à laquelle j’ai terminé (le livre), et j’ai réalisé qu’il y avait une profonde émotion car elles étaient toutes liées aux souvenirs de ce livre".

Ses amis et proches collaborateurs sont évidemment de la partie puisque l’on retrouve Greg Dulli (Afghan Whigs, The Gutter Twins avec Mark Lanegan), Warren Elis (Bad Seeds) mais également Ed Harcourt, Adrian Utley (Portishead) et le légendaire John Paul Jones (Led Zeppelin, Them Crooked Vultures). Avec un album aussi introspectif, même madame Lanegan (Shelley Brien) ne pouvait y échapper.

Ses confessions, il nous les dévoile presque à contrecœur pour commencer ("I wouldn’t want to say"), le pudique Mark semblant s’excuser de nous les imposer. Plus sobre musicalement que son prédécesseur, il emprunte à la folk de Nick Drake sur "Apples from a tree" quand "This game of love", chanté avec sa femme, rappelle d’une certaine manière les duos de Lee Hazelwood et Nancy Sinatra. La suite sera plus sombre, Mark abordant ses thèmes favoris : la mort, l’auto-destruction, la drogue... bref ce mec en a bavé, comme nous le montre magnifiquement les lumineux et touchants "At zero below" et "Eden lost and found". Sublime.

"Ce fut un soulagement de retourner soudainement à la musique. Puis j’ai réalisé que c’était le cadeau du livre : ces chansons. Je suis vraiment fier de ce disque". Tu peux être fier de ce disque, Mark, tout comme tu peux être fier de ton parcours. Puisse-t-il durer toujours.

Chronique proposée par Steven Floc’h de l’émission TRANS VINYL EXPRESS.

Titres :
 I wouldn’t want to say
 Apples from a tree
 This game of love
 Ketamine
 Bleed all over
 Churchbells, ghosts
 Internal hourglass discussion
 Stockholm city blues
 Skeleton key
 Daylight in the nocturnal house
 Ballad of a dying rover
 Hanging on (for DRC)
 Burying ground
 At zero below
 Eden lost and found