Musique

Chronique d’albUm : L’orage par Arnaud Le Gouëfflec

Chronique exceptionnelle puisque écrite à quatre mains, l’Orage d’Arnaud Le Gouëfflec a vrombi dans les oreilles de Steven de l’émission TRANS VINYL EXPRESS ainsi que dans celles de Gauthier du CHANT DE L’ALOUETTE :

Omniprésent mais relativement discret, omniscient mais toujours humble, l’attachant Arnaud Le Gouëfflec déchaine la foudre en convoquant l’orage sur son nouvel album. L’invisible lui colle à la peau, il en a fait son costume de scène mais quiconque le découvre ne pourra que se perdre dans l’univers ramifié de l’artiste brestois.

Après Deux fois dans le même fleuve en 2015 et La faveur de la nuit en 2018, voici L’orage en cette année 2020. Accompagné de ses fidèles complices, John Trap et Thomas Poli, le professeur Le Gouëfflec a également convié Ollivier Mellano à la guitare, Régis Boulard à la batterie et Ooti au chant pour un travail collégial dans les arrangements mais également dans les compositions de ce nouvel album (sans oublier de mentionner Olivier Polard pour Tout Homme a son prix).

"Il n’y a pas de port et les marins sont morts, l’horizon est en feu". Serait-ce la vision sinistre d’un Brest post-apocalyptique ? L’artiste nous dévoile en tout cas un avenir sombre ("Fin de règne", "Guerre de 30 ans") à l’image du contexte actuel : "Cet album reflète l’ambiance apocalyptique de notre époque : on y sent les tensions, les peurs, l’angoisse écologique, l’ambiance de fin de règne, délétère à l’échelle nationale, voire mondiale. Ce n’est pas un disque engagé ni militant, mais un miroir de l’époque".

Dans une ambiance crépusculaire et poétique, on entend l’orage qui gronde tout au long de ce disque avant d’éclater dans un final dantesque ("Rigmarole"). "Rien ne sera plus comme avant...passé l’orage, passée l’insomnie" chante-t-il comme s’il avait vu avant tout le monde le cataclysme interplanétaire engendré par un virus...D’un battement d’aile de chauve-souris en Asie, nait un orage dans le Ponant. Cela aurait pu être une citation de Milarepa, cet ermite bouddhiste auquel rend hommage Arnaud Le Gouëfflec : "Au départ, [le disque] devait s’appeler Milarepa, titre d’un morceau qui évoque cet ermite bouddhiste qui a passé la majeure partie de sa vie dans une caverne. Un personnage fascinant, qui me fait rire aussi : je me suis dit qu’en tant d’années, il avait dû en voir un paquet d’orages !".

Envoutant et ténébreux, Arnaud Le Gouëfflec continue d’écrire une magnifique page d’un rock à la française talentueux et élégant.

Steven Floc’h

Je n’ai jamais écouté Arnaud le Gouëfflec, si ce n’est dans mon adolescence, période de ma vie où j’ai beaucoup trop écouté le Petit Fossoyeur. Aussi, n’avais-je pas vraiment d’à priori sur sa carrière « solo » ou sur la teneur de son dernier album l’Orage.

Deux choses m’ont frappé à l’écoute de cette album. Premièrement, ce sont la qualité des paroles qui frisent avec un faux minimalisme déconcertant. Écrire des chansons dans une économie de mots n’est pas chose aisée, et Arnaud le Gouëfflec s’en sort haut la main. Qui plus est, on ressent tout de suite son style : ses comparaisons ou sa façon de mêler ou faire rimer certains mots entre eux portent tout de suite sa touche.

Deuxièmement, la musique de cet album porte justement ces paroles avec brio. C’est une musique que je qualifierai d’efficace, même si je n’aime pas trop ce terme que je trouve trop fonctionnel. Elle est bien travaillée, joue son rôle d’accompagnement lorsqu’il le faut, sait être nerveuse au bon moment et m’a donné particulièrement envie de l’entendre en live.

Une autre particularité de cet album est que ses chansons sont toutes relativement longues. Pourtant, elles ne sont jamais source d’ennui et donnent justement la sensation apaisante de prendre leur temps, loin des formats standardisés que l’on peut retrouver dans l’industrie musicale… Et c’est justement ce trio « paroles minimalistes/musiques efficaces/chansons longues » qui fait la recette de cette album parfaitement goupillé.

Enfin, ce qui marque cet album, c’est son ambiance particulièrement noire, qui nous fait explorer un monde sombre au bord de l’explosion. Alors qu’il serait encore une fois facile de tomber dans certains écueils lorsque l’on explore la fin du monde, Arnaud le Gouëfflec sort encore son épingle du jeu. C’est une vision radicale, loin d’une désillusion blasée dans laquelle on peut tomber lorsque l’on pense au futur. Il y a justement une hargne, une envie de se battre contre l’inévitable, que l’on retrouve tout au long de cet album et qui donne justement une gnaque d’enfer malgré la noirceur de cet album.

L’orage est donc une excellente surprise et tombe parfaitement en ce début année 2020 alors que nous vivons cette drôle d’époque sous le signe d’une pandémie mondial et cet album sera un parfait compagnon lors de vos réflexions sur la course du Monde.

Gauthier Ballan

Titres :
 Beau pêcheur
 Le meilleur pour la fin
 Un blasphème
 Milarepa
 Fin de règne
 Tout Homme a son prix
 Guerre de 30 ans
 La flamme de la chandelle
 Passe l’orage
 Rigmarole