Musique

Vieilles Charrues 2022

Les plateformes PSH, un endroit méconnu du public

Il est un lieu aux Vieilles Charrues que vous ne connaissez sans doute pas, pour la bonne raison que l’accès y est règlementé : il s’agit des plateformes PSH ; un vilain acronyme ayant pour signification « Personnes en Situation de Handicap ».

Vieilles Charrues 2022
25min19s

Cet endroit est le fruit d’une volonté et d’une implication des Vieilles charrues et de ses bénévoles de rendre le festival accessible à tous et ce, dans les meilleures conditions possibles, cela répond à ce que l’on appelle l’inclusion. C’est une très belle idée, néanmoins son application peut être contrariée en raison des moyens nécessaires à sa mise en œuvre. Ici, on pense à l’Éducation Nationale. Aux Vieilles charrues, les moyens en matériels et en aides humaines sont prévus au regard des profils accueillis. Ceci pour que toutes les personnes puissent profiter du festival et de la musique comme tout un chacun. Le résultat est à la hauteur des espérances. Nous allons ici essayer de vous décrire le fonctionnement de ce lieu particulier.
Avant toute chose, il est utile de définir le handicap. Bien souvent les gens en ont une idée assez générale, mais elle ne recouvre qu’une toute petite partie de la réalité. Voici la définition de l’OMS (organisation mondiale de la santé) :
« Est handicapée toute personne dont l’intégrité physique ou mentale est passagèrement ou définitivement diminuée, soit congénitalement, soit sous l’effet de l’âge ou d’un accident, en sorte que son autonomie, son aptitude à fréquenter l’école ou à occuper un emploi s’en trouvent compromises ».
Cela peut vous paraître flou et vague, et c’est justement l’idée : ne pas être restrictif. Le handicap peut être visible (fauteuil roulant, prothèse…) ou être invisible (schizophrénie, maladie des os de verre…). Il convient donc de dépasser ses premières impressions (par exemple un lourd handicap physique sans séquelles mentales, typiquement Stephen Hawking) et d’aller vers la personne que l’on a en face de soi pour savoir qui elle est vraiment. Une démarche autant qu’une façon de percevoir l’autre sans que le handicap ne soit une entrave.
Selon la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des chances, la participation et la citoyenneté, il y a obligation de solidarité de l’ensemble de la société à l’égard des personnes handicapées, l’ensemble des structures doivent être accessibles à tous ! Ce qui oblige (et c’est tant mieux) Les Vieilles Charrues et plus généralement l’ensemble des évènements nationaux à se mettre en conformité avec cette loi, en proposant des structures PSH, des parkings adaptés…
Là encore, c’est flou ! Et c’est la raison d’offres complètements différentes d’un festival à l’autre. Et c’est de l’offre des Charrues dont nous allons ici parler. Pour avoir vu plusieurs festivals et manifestations par le prisme de l’accueil PSH, nous pouvons vous affirmer que la mobilisation Carhaisienne pour fournir une prestation de qualité fait partie du très haut de gamme.
La population des plateformes PSH se divise en deux catégories : ceux qui accueillent et ceux qui sont accueillis (citation de Blondin à Tuco, pour les cinéphiles). Vous le comprendrez, nous faisons partie de la première, et c’est donc d’elle que je peux vous parler. Nous avons interviewé des personnes accueillies, ce qui fait l’objet d’un report audio sous forme de podcast (ci-dessus).
C’est une équipe d’une centaine de bénévoles qui officie sous la houlette de Fred Guevel. La grande force de cette équipe, c’est que si elle s’inscrit dans les cadres définis ci-dessus, elle est surtout là pour autre chose : une fois qu’on y a mis les pieds, c’est une évidence que l’année suivante on y sera à nouveau ! Les bénévoles qui sont sur ces plateformes le sont généralement depuis plusieurs éditions, comme beaucoup de festivaliers également. Le turn over est très faible, on retrouve années après années les mêmes têtes tout en intégrant les petits nouveaux.
Deux structures principales sont proposées aux festivaliers en situation de handicap, à condition qu’ils en aient fait la demande en amont : l’une est couverte et se situe non loin de l’allée verte qui sert de parking aux fourgons adaptés. Cette organisation permet aux véhicules de venir déposer les personnes directement en bas de la rampe d’accès et de leur éviter des efforts inutiles. Elle est située en bas du bar 5 et fait face à la scène Glenmor. La plateforme est principalement fréquentée par les groupes (IME, EHPAD, ESAT…). Sur demande, des médicaments peuvent y être conservés dans un réfrigérateur. Et, tout comme sur la structure qui lui fait face, sous les terrasses VIP, des boissons (soft, bien sûr !), des bouchons d’oreilles et des couvertures de survie sont proposées aux personnes accueillies, ainsi que des toilettes adaptées, le tout dans la bonne humeur !
Le deuxième espace, situé sous les terrasses VIP, fait également face à la scène Glenmor. Il est surtout dédié à l’accueil des particuliers qui disposent d’un parking dédié sur le site de l’IME de Kerampuilh. L’équipe propose un espace couvert, en retrait. Les services proposés y sont les mêmes que sur la première plateforme.
Trois autres espaces desservent les scènes Kerouac, Gwernig et Grall, mais sans les services explicités précédemment.
Là où les « Vieilles » se démarquent vraiment (si l’on ne tient pas compte du nombre de bénévoles dédiés), c’est que d’autres services hors normes sont proposés. Citons par exemple les boucles magnétiques (pour les malentendants), les documents en braille, la possibilité de recharger les fauteuils roulants électriques ou encore de bénéficier des « Joëlettes » présentes sur chaque plateforme (la liste est non exhaustive).
Quatre heures durant, chaque jour du festival, des sorties sont proposées en Joëlettes aux personnes qui le désirent. Les joëlettes sont des fauteuils mono roue tout terrain, dotés d’un amortisseur, et qui placent la personne transportée à la même hauteur que les festivaliers. Le projet est de permettre aux personnes en situation de handicap de vivre leur vie de festivalier comme tout un chacun, tout en rentrant dans les clous de la loi de 2005. Les engins permettent, au regard des souhaits de la personne, de découvrir le site du festival, de pouvoir aller s’acheter un souvenir, à boire ou à manger, ou bien encore d’aller voir un concert d’un peu plus près… Les joëlettes et leurs équipages sont mis à disposition par l’association ADDES qui propose toute l’année durant des promenades accessibles à tous dans les Monts d’Arrée.
Une autre mission bien plus confidentielle est assurée par une toute petite équipe : elle consiste à se renseigner auprès des managers pour savoir quels artistes accepteraient de rencontrer les personnes en situation de handicap. Ces rencontres singulières peuvent être organisées sur la plateforme, en loge ou en bord de scène. Ces échanges rares et exceptionnels apportent un bonheur incommensurable aux festivaliers et une grande satisfaction aux bénévoles de la plateforme lorsque les heureux élus reviennent avec des étoiles plein les yeux.
A ces équipes s’ajoute celle des bénévoles chargés de l’accueil au niveau des parkings. En plus de l’organisation des lieux, il leur revient la tâche d’informer et de guider les personnes qui arrivent dans l’enceinte du festival. Ils laissent aux festivaliers en situation de handicap la première et la dernière impression, tout en restant invisibles du grand nombre. Un rôle ingrat mais ô combien important !
Pour toute personne intéressée et concernée, l’accès à ces zones réservées se fait par le biais d’une billetterie spécialement conçue pour l’occasion, dès l’ouverture de la vente officielle (sur leur site ici). Mais c’est tout le long de l’année que s’organise cette prise en charge spécifique, par une organisation méticuleuse par les salariés et Fred Guevel (qui consacre 600 heures par an à cette tâche soit l’équivalent de plus d’un tiers temps en bénévolat !), assisté par Maël (salarié pendant quatre mois pour chaque édition depuis maintenant cinq ans pour compléter le travail de Fred). La main d’œuvre est fournie à 40% par des associations (ADDES, Le champs des menhirs), qui perçoivent en retour une subvention des Vieilles Charrues, les autres bénévoles étant présents à titre individuel.
Les plateformes ont été cette année bien fréquentées, puisqu’elles ont accueilli 967 personnes pour une jauge maximale fixée à 1000 pour chaque édition. Et pour accueillir ces 250 festivaliers journaliers, les Vieilles Charrues mobilisent 107 bénévoles. Le juste nécessaire pour permettre à tous de vivre sa vie de festivalier ! La joie sur les visages est visible, une parenthèse estivale et musicale dans la vie des bénévoles et des festivaliers qui pour certains ne date d’hier. Espérons que ce genre d’initiatives se généralisera ailleurs dans les mêmes proportions, il y a tant à faire pour que notre société soit pleinement inclusive ! Comme l’a dit Awen dans le podcast, « J’ai bien aimé ça, cette idée de l’inclusion. Que toutes les personnes vivent ensemble leur festival ! ». Au final, c’est ça, que tous puissent profiter de la musique ensemble, sans restriction. Une vision profondément humaine voire fraternelle ?
Nous espérons que cette présentation un peu technique vous aura permis de découvrir cet investissement particulier du festival. Gageons que cela vous aura donné l’envie de vous y investir à votre tour voire de profiter de ses services !

N’hésitez pas à écouter le podcast associé à cet article (en haut de page) qui donne la parole aux festivaliers en situation de handicap et également aux bénévoles de l’équipe PSH qui s’investissent année après année au sein des plateformes dédiées.

Les petits Metaleux A.K.A. Eiffel, Kendra, Awen et Kelenn
Article publié le 26.08.2022