Musique

Chronique d’albUm : 04:00 AM par Delgres

Je me baladais sur un réseau social, les oreilles ouvertes à l’inconnu ; l’inconnu se fut Delgres qui m’a dit "Ninport de kwa" dans un blues rock créole des plus détonants. Car si sur le papier ce mélange blues et créole peut surprendre, c’est une tout autre histoire lorsqu’on se penche sur 04:00 AM, deuxième album du trio. Cette association étonnante apparait en réalité comme une évidence qui tombe sous le sens car ces deux mondes ne sont finalement pas si éloignés que ça : de l’esprit du blues du delta du Mississippi aux Antilles, le chant transpire la souffrance mais également la grande force d’abnégation de ces musiciens à l’ADN commun d’anciens esclaves.

C’est en 2015 que l’idée du projet Delgres a commencé à germer dans l’esprit de Pascal Danae, notamment lorsqu’il retrouva la lettre d’affranchissement de sa trisaïeule guadeloupéenne datant de 1841. Renouant avec le créole, les rencontres successives avec Baptiste Brondy du groupe Lo’Jo et Rafgee, trompettiste et joueur de sousaphone dans des bals antillais finirent de poser les bases de leur futur trio. Ne manque plus qu’un nom, il s’agira de Delgres en hommage à Louis Delgrès, colonel d’infanterie qui préféra mourir plutôt que d’être captif des troupes napoléoniennes venues rétablir l’esclavage aux Antilles.

Delgres joue avec ses tripes et avec tout son cœur dont les pulsations sont marquées par ce sousaphone chaud et rassurant. Associé à une batterie impeccable et vous avez là la colonne vertébrale du groupe qui va pouvoir permettre au combo guitare/chant de naviguer entre la Louisiane et les Caraïbes, sans perdre de vue les racines blues qui s’étirent de l’Afrique de l’Ouest au Mississippi. Ajoutez à l’ensemble un habillage musical composé de claviers discrets et de chœurs habités et vous obtenez un album riche et d’une grande hétérogénéité dont le propos en créole, mais aussi en français et en anglais, dénonce les souffrances du quotidien, celle de la France qui se lève tôt notamment, tout aussi bien que le racisme, le sentiment de déracinement ("La penn") ou encore les nouvelles formes d’esclavagisme quand il ne traite pas le sujet douloureux des migrants dans "Assez assez". Un disque véritablement engagé, humaniste, plus que nécessaire, un album indispensable.

Chronique proposée par Steven Floc’h de l’émission TRANS VINYL EXPRESS.

Titres :
 4 ed maten
 Aleas
 Assez assez
 Se mo la
 Lundi mardi mercredi
 Ban mwen on chanson
 Just vote for me
 Ke aw
 Libere mwen chorale
 L’école
 Lese mwen ale
 La penn